1872-1914 – L’apprentissage de la République
Après avoir été l’écrin funéraire des notables de deux empires et de trois monarchies, et avoir connu les soubresauts ponctuels d’un prolétariat qui paya amèrement ses utopies d’égalité (l’embellissement de la capitale fut à ce prix), le Père Lachaise chausse sans grande difficulté les pantoufles de la République bourgeoise qu’on croit encore éphémère. La Commune est loin déjà et tandis que les Parisiens expient en construisant le Sacré-Cœur, les pompes républicaines rendent les honneurs à Thiers. La bourgeoisie triomphe définitivement : elle peut entrer à son aise dans une « Belle époque » et témoigner, par ses imposantes chapelles, de la réussite d’ici-bas.
Exit Napoléon le Petit : Victor Noir peut désormais dormir sur la colline. Le cimetière amorce alors sa dernière grande transformation et prend l’aspect qu’il a encore aujourd’hui : disparition des dernières fosses communes, laïcisation et suppression des enclos juif et musulman, construction du crématorium et du columbarium. Pourtant, le Père Lachaise, désormais centenaire, bannit toute idée de modernité : le monument aux morts de Bartholomé fait scandale, et la Bohème, celle qui domine la vie culturelle de l’époque, boude déjà Charonne pour les enclos moins pompeux de Montmartre ou Montparnasse.

Eboulement du tunnel de Charonne, 1874
En 1872 est inhumé la soprano Eugenia Tadolini. En février 1874, une partie de la 83ème division s’effondre dans le tunnel du chemin de fer de ceinture : on en profite pour faire disparaître les dernières fosses communes du cimetière. C’est aussi l’année de l’inhumation de Jules Michelet, d’Alexandre Ledru-Rollin et de Blanche d’Antigny. En 1875 sont inhumés Georges Bizet, Camille Corot, Antoine Barye, Virginie Dejazet et Eugène Schneider. En 1876 suivent Marie d’Agoult et le serviteur de Napoléon, Louis Marchand. En 1877, l’inhumation de Thiers a lieu en grandes pompes. En 1878 sont inhumés Charles-François d’Aubigny, Claude Bernard et François Raspail. En 1879 suivent Honoré Daumier et Auguste Préault.
En 1880 a lieu l’inhumation du mathématicien Michel Chasles. En 1881, disparaissent les enclos confessionnels, ce qui entraine la destruction des murs du cimetière juif. 1881, c’est aussi l’année de l’inhumation d’Auguste Blanqui. 1882 voit l’inhumation de Louis Blanc et 1883 celles de Gustave Doré et d’Auguste Clesinger, sculpteur auteur du tombeau de Chopin. En 1884 la statue érodée en marbre par Etex de Géricault est remplacé par l’actuel monument. En 1885 sont inhumés Jules Vallès, Edmond About, Théodore Ballu et André Gill. 1886 voit la construction de la chapelle-mausolée de Thiers par Aldrophe, grâce à une souscription nationale.

Construction du Crématorium – gravure dans Le Petit Journal, 1887
En 1887 est inhumé Eugène Pottier et le corps de Rossini est transféré vers l’église Santa-Croce de Florence, en Italie. En 1888 voit les inhumations d’Hippolyte Carnot et d’Auguste Maquet. En 1889 est achevé le crématorium dû à l’architecte Formigé et est inhumé Auguste Villiers de l’Isle-Adam. En 1890 sont inhumés Jules Joffrin et Richard Wallace. En 1891 ont lieu les inhumations de Jean-Charles Alphand, du baron Georges Haussmann, de l’éditeur Calmann Lévy et du peintre Georges Seurat, alors que Victor Noir est transféré au Père Lachaise pour reposer sous un gisant de Dalou. En 1892 sont inhumés Edouard Lalo et de Ferdinand Barbedienne. En 1893 suit Pierre Tirard, Alice Ozy et Victor Schœlcher. En 1894 ont lieu les inhumations de Gustave Caillebotte et de Ferdinand de Lesseps. En 1895 suit celle de la cantatrice Marie Miolan-Carvalho.
En 1896, on construit le columbarium, et ont lieu les inhumations d’Enrico Cernuschi, d’Emmanuel Arago et de Charles Floquet. En 1897 sont inhumés Alphonse Daudet et la cantatrice Cornélie Falcon. En 1898 suit l’écrivain belge Georges Rodenbach. En 1899 éclate un scandale lors de l’inauguration du Monument au Morts de Bartholomé en raison de la nudité des personnages. 1899, c’est aussi l’année des inhumations d’Ernest Chausson, de l’aérostier Gaston Tissandier, du sculpteur Capellaro, de la comtesse de Castiglione et de Félix Faure. En 1900 est inhumé le sculpteur Alexandre Falguière et en 1901 l’ingénieur belge Zénobe Gramme et le spirite Gaétan Leymarie.
En 1902, Charlotte Besnard réalise le tombeau de Georges Rodenbach et a lieu l’inhumation d’Ignace Hoff. En 1903 sont inhumés Jean-Baptiste Clément, Robert Planquette et Camille Pissarro. En 1904, Auguste Bartholdi réalise la statue de la tombe du « sergent » Hoff et est inhumée la violoniste Teresa Milanollo. 1905 voit les inhumations de la cantatrice Célestine Galli-Marié et du statuaire Paul Dubois. En 1906 est inhumé Alfred Stevens. En 1907 est apposé la plaque commémorative de la Commune et sont inhumés Henri Moissan et de Sully-Prud’homme. 1908 voit l’inhumation de la spirite Rufina Nœggerath, dite «Bonne Maman». En 1909 parait « le cimetière du Père-Lachaise » de Jules Moiroux et est édifié le « Monument aux victimes des révolutions », dans le square Samuel de Champlain, contre le mur du cimetière.
1909 voit aussi les inhumations de Paul Gachet et d’Alfred Chauchard. En 1910 sont inhumés Edouard Colonne, Jean Moréas et Felix Nadar. 1911 voit l’inhumation de Félix Ziem et 1912 celle du peintre Edouard Detaille. En 1913 sont inhumés la chanteuse Thérésa et Léon Noël et Harry Fragson est crématisé et ses cendres sont placées dans le columbarium. 1914 voit l‘inhumation d’Alphonse Bertillon.
Sources : Philippe Landru. Date de création : 2005-09-09.