Pourquoi les reprises ?
Parmi les questions les plus souvent posées par nos lecteurs et nos sociétaires, celles qui concernent les reprises de sépultures anciennes sont les plus difficiles à traiter. De par leur nature, ces reprises peuvent parfois heurter la sensibilité ou choquer ceux qui souhaiteraient voir ces monuments préservés et restaurés. Voici en quelques mots les grandes lignes de cette mesure destinée avant tout à préserver un ensemble cohérent sur ce site privilégié.
1-De 1804 à 1924, les concessions perpétuelles bénéficiaient d’une perpétuité absolue. En contrepartie, elles étaient très chères.
2-Après la guerre de 1914-1918, l’état ayant constaté que beaucoup de propriétaires n’entretenaient pas leurs tombeaux, les cimetières tombaient en ruine. D’où la suppression de la perpétuité absolue et son remplacement par la perpétuité relative (loi du 3 mars 1924), c’est-à-dire une perpétuité sous réserve d’entretien, sinon abandon et abandon = reprise.
3-La mairie de Paris applique la loi de 1924 comme toutes les communes de France. La loi n’a jamais prévu d’exception au profit du cimetière du Père-Lachaise.
QUAND FAIT-ON DES REPRISES ?
D’abord quand les sépultures sont abandonnées (constat d’abandon), mais aussi la reprise devient nécessaire lorsque les tombeaux présentent un caractère illégal, soit dangereux soit indécent, soit les deux à la fois Idem lorsqu’il n’y a plus de tombeau ou seulement des vestiges insignifiants.
RAPPEL
Le Père Lachaise est protégé, d’une part dans sa partie classée (secteur dit romantique, en 1962), d’autre part en tant que site (loi de 1930), enfin, en 1983, sont inscrits comme monuments historiques les tombeaux antérieurs à 1900 (12 monuments classés plus 1 inscrit).
D’OU
La loi du 3 janvier 1924 sur les reprises des concessions perpétuelles abandonnées est appliquée en tenant compte de ces mesures de protection. Donc, toutes les reprises une fois faites selon les critères et obligation de la loi sont réexaminées une à une avant réattribution éventuelle par référence aux mesures de protection. Donc, une partie seulement des reprises est attribué, très variable selon la division en cause. Les réattributions après reprise sont l’occasion d’améliorer l’image de l’espace (division)
COMMENT SE FAIT L’AMELIORATION ?
D’abord en obligeant les nouveaux concessionnaires à respecter le cahier des charges qui impose des obligations culturelles et environnementales : recherche d’une harmonie, style, matériau, etc. Ensuite, en décidant de conserver, dans le patrimoine de la Ville de Paris qui devient propriétaire, les monuments jugés dignes d’intérêt (par exemple les Abbés de la Fare et de Saint Albain). Mais aussi, dans la limite des crédits disponibles, en restaurant les plus remarquables de ces monuments jugés dignes d’intérêt (par exemple, Général Ballesteros, Windsor) et en favorisant les initiatives d’associations ou d’organismes prenant en charge des restaurations de monuments. Enfin, en reconstituant, dans un esprit d’équilibre et d’harmonie, entre l’ancien conservé, l’ancien restauré et le nouveau obligé, le paysage végétal et environnemental (senties, cheminements, bosquets, etc….) dans l’esprit des créateurs du cimetière (Brongniart, Quatremère).
D’OU DES OPERATIONS COMBINEES
- Monuments nouveaux dans le style et en matériaux anciens.
- Monuments anciens restaurés par les propriétaires (exemple : Ribes, Davout, la chapelle Greffulhe, la pyramide Crawford). – Monuments restaurés par des associations (ACMN, Souvenir Français).
- Monuments restaurés par la Ville de Paris devenue propriétaire (Ballesteros, Windsor). -Chapelles restaurées par de nouveaux concessionnaires (Y. près de Richard Wallace).
- Cheminements, murets, escaliers etc. réalisés par la Ville de Paris (exemple : 10e et 11e division).
- Monuments restaurés par la Ville de Paris (Bellini, Delille et abords, Brongniart, Bellanger, François de Neufchateau, Castex, Dugazon, Gaveaux, Gohier).
- Monument restauré par des particuliers (Général Milanollo).
La loi ne fixe aucune exigence, aucune obligation culturelle ou environnementale lors des reprises. La loi permet de réattribuer librement les concessions reprises. Au Père Lachaise, la Ville de Paris s’impose de respecter les mesures de protection culturelle et environnementale d’où : réattribution d’une partie seulement des reprises (variable selon les divisions) et insertions des réattributions dans un programme global d’amélioration de la division reprise sur tous les plans y compris les chemins, murets, plantations, etc.
En conclusion, le travail accompli est très important tant par la Ville de Paris, les associations et les particuliers que par les efforts des nombreux amoureux du Père Lachaise. Ce lieu unique se doit de réunir toutes les bonnes volontés pour sa préservation. Chacun à sa manière peut amener sa pierre à l’édifice. La réfection d’un monument coûte cher, très cher. De petites actions individuelles peuvent elles aussi apporter un plus, un simple nettoyage, arrachage d’herbes folles, enlevage de mousse parasitaire est un geste de sauvegarde. Pensez-y lorsque vous arpenterez les allées écartées du Père-Lachaise, il y a des trésors qui dorment sous vos yeux et qui ne sont presque plus visibles.
Un grand merci à Christian Charlet, historien des cimetières de Paris, pour la rédaction de cet article.
Sources : Christian Charlet. Date de création : 2005-10-07.