ENFANTIN Barthélémy Prosper, dit Le Père (1796-1864)
France

Saint-Simonien, « Le père Enfantin »

Lorsque meurt le comte de Saint-Simon, le 19 mai 1825, c’est un petit groupe clairsemé qui accompagne sa dépouille. Parmi ces quelques fidèles, se détache la silhouette de Prosper Enfantin. Barthélémy Prosper Enfantin voit le jour dans une famille de la Drôme possédant une certaine notoriété, en 1796. Plusieurs de ses cousins furent généraux d’Empire. Quant à son père, il est un temps banquier, mais finit acculé à la faillite.

Prosper lui, entre à l’Ecole Polytechnique en 1813, dans un état proche du dénuement. Son père ne peut payer la pension de son fils, si bien que ce dernier doit quitter l’ »X » après seulement une année d’étude. Malgré cette interruption, Enfantin reste marqué par son passage dans la prestigieuse époque et son esprit. Il s’en souvenait encore à l’âge de soixante-cinq ans. Donc, il quitte l’école après avoir participé à la glorieuse défense de la barrière du Trône, en 1814.

Il cherche une situation, l’un de ses cousins est gros négociant en vins à Romans. Il entre alors dans l’entreprise en qualité de courtier. C’est un jeune homme solide, avec de l’allant, il semble fait pour cet emploi. On le charge alors de s’occuper de la clientèle étrangère. Il parcourt l’Allemagne, les Pays-Bas, la suisse, il pousse jusqu’en Russie.

Il séjourne à Saint-Pétersbourg de 1821 à 1825, il y retrouve un petit groupe de polytechniciens envoyé en Russie pour y poser les bases du premier réseau de chemin de fer : Raucourt, Bazaine, Lamé, Clapeyron. Ces polytechniciens ont formé un cercle où l’on discute philosophie, économie, sociologie. On initie Enfantin à l’Economie politique et aux doctrines de l’économiste Jean-Baptiste Say.

Enfantin revient en France et regagne Paris. Il retrouve là son ancien précepteur, Olinde Rodrigues qui l’emmène aussitôt chez Saint-Simon déjà très malade et qui s’éteint quelques semaines plus tard. La rencontre n’a tenue qu’à un fil, à quelques jours près, la doctrine n’aurait pas survécu à son fondateur et la grande aventure Saint-simonienne n’aurait jamais existée.

Après la mort du philosophe, ses amis donnent vie au dernier projet du comte : la création d’un journal. Ils fondent le journal « Le Producteur » qui a tout d’abord deux directeurs : Olinde Rodrigues, héritier spirituel du maître, puis Prosper Enfantin. A peine six mois après sa découverte du saint-simonisme, il en devient l’un des chefs du mouvement. Ce mouvement reçoit l’apport d’Auguste Comte, ce qui amène au groupe certains polytechniciens.

Beaucoup d’adeptes seront issus de l’école, « Le Producteur » y circule de salle en salle. Enfantin comprend le parti qu’il peut tirer de ces adhésions, il pense que l’ »X » doit être le canal par lequel ses idées se répandront dans la société. Mais, en 1830, le saint-simonisme connaît sa brève apothéose, il a par la diffusion de sa doctrine contribué au succès des Trois Glorieuses et de la Révolution de juillet.

Par contre, il est faux de dire qu’Enfantin et Bazard ont alors songé à s’établir au château des tuileries pour y proclamer un gouvernement à leurs couleurs. Si politiquement ils ne parviennent pas au pouvoir, le nouveau règne apporte aux saint-simoniens une ère de succès aussi grands qu’éphémères. L’un de leurs membres les plus influents n’est autre que le banquier et ministre Jacques Laffitte.

Les adhésions se multiplient, l’argent arrive. Certains membres donnent toute leur fortune au mouvement. C’est aussi vers cette époque que le mouvement cesse d’être d’obédience philosophique pour devenir une secte religieuse. Pour fixer l’organigramme de la nouvelle secte, on réunit un collège saint-simonien le jour de Noël 1829. Le premier objet est de choisir un chef, mais entre Bazard et Enfantin, on ne peut se départager.

Rodrigues décide alors de les désigner tous deux comme «Pères Suprêmes, tabernacles de la loi vivante» (sic). Les saint-simoniens se rendent acquéreurs d’un quotidien « Le Globe« , installé à l’étage supérieur de l’hôtel de Gesvres. Enfantin entreprend une campagne pour l’affranchissement de la femme, et prône la liberté des mœurs et l’amour libre, cela porte un coup fatal aux entreprises du mouvement.

Dès lors, la maison de la rue Monsigny devient un chaudron où partisans et adversaires d’Enfantin se livrent à une lutte sévère. Des rumeurs de scandale commencent à voir le jour. Selon certains, les soirées de la rue Monsigny sont occasions à se livrer au paganisme et à des Saturnales infâmes. Fondées ou non, le gouvernement de Louis Philippe fait le ménage dans ce mouvement dont il s’inquiète de la contagion politique.

En Janvier 1832, l’hôtel de Gesvres est investi par deux compagnies de grenadiers et un escadron de hussards. On appose les scellés, on se lance dans une perquisition, on saisit les papiers et la comptabilité. Enfantin et ses principaux lieutenants sont inculpés de délit d’association, escroquerie et outrages aux bonnes mœurs. A compter de ce moment, le Saint-simonisme s’engage dans une période bizarre et équivoque, dont les chroniqueurs et les caricaturistes font leurs choux gras.

Enfantin annonce que le temps de «l’apostolat est venu». Il se retire à Ménilmontant dans une grande propriété. Son premier souci est de doter les disciples d’un uniforme de parade assez criard. On fait alors des gorges chaudes sur ce qui se passe dans cette maison et des mystères qui s’y trament. Il y a bien une chose étrange, la nuit, Enfantin et sept de ses disciples, formés en croix, élaborent un ouvrage : «Le Livre Nouveau».

C’est la seule œuvre d’Enfantin qui n’a pas été publiée. Tout cela trouve son épilogue par l’intervention d’un commissaire de police au nom prédestiné : Maigret, commissaire de Belleville qui, un beau soir de juillet 1832, pénètre dans la propriété avec la troupe du 1er régiment de ligne. La nouvelle que vient porter ce fonctionnaire est la signification à comparaître en Cour d’assises avec quelques-uns de ses principaux disciples, de Prosper Enfantin, en vertu de l’inculpation signifiée rue Monsigny.

Le procès se tient à la fin du mois d’août. Au terme de ce curieux échange, Enfantin est condamné à un an de prison et se retrouve à la prison de Sainte Pélagie. Du fond de son cachot, Enfantin réfléchit et rêve. Le fruit de ses réflexions l’amène à tenter une nouvelle entreprise en Egypte. Il arrive au mois d’octobre 1833 à Alexandrie accompagné de nombreux disciples. Enfantin cherche à obtenir une entrevue avec le vice-roi Mehemet-Ali.

Il l’obtient en 1834. Il expose alors son grand projet : percer l’isthme de Suez. Le vice-roi est très intéressé, mais a d’autres projets en tête : la construction d’un chemin de fer et l’édification d’un grand barrage sur le Nil. Prosper Enfantin n’est pas homme à se décourager, il reprend l’idée du barrage et décide d’en être. Il propose ses services et ceux de son équipe, ils sont acceptés immédiatement. Mais, quelques mois plus tard, c’est une terrible épidémie de peste qui s’abat sur l’Egypte.

Beaucoup de disciples de Saint-Simon en sont victimes. Mehemet-Ali se détourne alors des français. Tout le pays se ferme pour quelques années. La sagesse veut qu’alors ce soit le moment du retour. Mais on peut penser que si Enfantin n’avait pas été en Egypte en 1835, le canal de Suez n’aurait peut-être jamais vu le jour.

Trente années plus tard. Prosper Enfantin est également directeur de la compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée. Il participe activement à la colonisation de l’Algérie de 1839 à 1841. Il est également directeur de la Compagnie des Eaux. Prosper Enfantin s’éteint en 1864.

Sources : -. Date de création : 2006-04-17.

Photos

Monument

La sépulture est ornée d’un buste d’Enfantin signé par Aimé Millet (1868).

Inscriptions : ENFANTIN

Le père, 1796-1864.

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Date de la dernière mise à jour : 4 octobre 2023