François Blanc voit le jour le 12 décembre 1806 après son frère jumeau, Louis, à Courthézon (Vaucluse). Son père, Claude Agricol, est receveur des contributions directes et sa mère Marie, née Janin, mère au foyer.
Comme beaucoup de vrais jumeaux, le destin de François et Louis sera lié et ils ne se quitteront plus. François mène une jeunesse paisible dans leur village natal. Mais avec son frère jumeau Louis, ils aspirent à une vie plus exaltante et rêvent de faire fortune. Lors de la visite d’un cirque itinérant dans leur village, le montreur de cartes, qui fait des tours et empochent les mises des badauds, les fascinent.
Ils décident immédiatement de suivre ce cirque ambulant avec son bonimenteur et quittent à jamais le foyer familial. Ils deviennent assistants du manipulateur de cartes et apprennent les jeux de hasard. Les deux frères sont très attirés par un enrichissement rapide au détriment d’autrui. Ils ne s’encombrent pas de scrupules inutiles.
On retrouve François et Louis à la tête d’une maison de jeux (ou casino) à Marseille. Ils la dirigent quelques années et cela leur permet d’amasser un intéressant fond de roulement pour leurs futures affaires. Ils ont 28 ans lorsqu’ils s’établissent, en 1834, à Bordeaux à la tête d’une société de placement. Celle ci mise sur la hausse ou la baisse des valeurs de la Bourse de Bordeaux.
Ils spéculent sur les rentes de l’État : il leur est nécessaire de connaître, avant les autres, les cours de Paris pour acheter ou vendre avant que le marché local ne s’aligne sur celui de Paris. À l’époque, les Rothschild utilisent déjà des pigeons voyageurs pour transmettre les nouvelles essentielles entre leurs bureaux.
Les deux frères utilisent le télégraphe Chappe, avec la complicité des fonctionnaires en charge de son fonctionnement. Un fonctionnaire complice introduit dans un quelconque message officiel, une « coquille » qui en fait signifie « marché en baisse » ou « marché en hausse ».
Un autre complice, à Bordeaux, se charge de les prévenir de l’anomalie constatée une fois le message réceptionné. Ceci leur permet d’avoir toujours une demi-heure d’avance sur tous les autres agents de change. Leur stratagème est découvert après deux ans de fonctionnement et ils sont traduits en justice. Lors du procès, ils reconnaissent que si le système est techniquement frauduleux, ils n’ont finalement causé de tort à aucun investisseur privé et que tous les financiers utilisent des moyens du même ordre.
Finalement, ils sont juste condamnés à une amende pour corruption de fonctionnaires et au paiement des frais du procès. Quittant définitivement Bordeaux, ils s’installent à Paris avec les poches déjà bien remplies. Là, ils fréquentent les galeries du Palais Royal où officient alors un grand nombre de d’établissements de jeux.
Très vite, ils comprennent qu’il y a beaucoup d’argent à gagner avec deux nouveaux jeux : le « trente-et-quarante » et la « roulette ». Profitant de l’absence de règlementation, ils ouvrent une maison de jeux dans une galerie en bois du Palais-Royal. Hélas pour eux, le roi Louis Philippe, cédant aux demandes des ligues bien-pensantes, promulgue une loi, le 21 mai 1836, prohibant « les loteries particulières et les maisons de jeux ».
Le 1er janvier 1838, on ferme définitivement les 18 maisons de jeux du Palais-Royal ainsi que toutes celles de France. François et Louis décident alors de s’exiler dans le duché de Luxembourg. C’est alors une place forte germanique sous le contrôle du Landgraf Ludwig von Homburg. Ils recommencent leurs activités autour des jeux de hasard, ouvrent un cercle privé et continuent à s’enrichir.
Mais, ils ont alors un grand projet, celui d’ouvrir ex-nihilo une nouvelle station. Le Landgraf se lie à ces deux français très entreprenants et il entrevoit une possible solution aux problèmes financiers de son petit état, la Hesse-Hombourg, une minuscule principauté à proximité de Francfort. Il suffit d’une quinzaine de jours pour que Landgraf, François et Louis trouvent un accord.
Le Landgraf Philippe, qui succède à Ludwig, signe une concession de 30 ans avec les deux frères, le 29 juillet 1840. Très vite les projets s’enchaînent dans la ville d’Homburg : casino, établissement thermal, salle de spectacles, salle de bal pour mille personnes, jardins, restaurants et hôtels luxueux construits par d’autres entrepreneurs.
La roulette tourne pour la première fois dans le Kurhaus (salle de jeux), le 23 mai 1841. Dostoïevski fréquente ses tapis verts pendant près de dix ans. Entre-temps, François fait la connaissance d’une charmante alsacienne, Madeleine Victoire Huguelin et, malgré l’absence de trace d’un mariage, deux enfants naissent de cette union, Camille en 1847 et Charles en 1848.
Après une longue série de succès, les premières mauvaises nouvelles arrivent en rafale. En Europe, les jeux d’argent sont de moins en moins tolérés. Dès 1848, le Parlement de Francfort vote une loi, jamais appliquée, de fermeture des établissements de jeux. Madeleine Victoire disparaît prématurément en 1852. Louis, malade, décède la même année à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), où on le soigne. De plus, Homburg n’est fréquentée que durant les beaux jours : durant l’hiver, la clientèle part séjourner sur la Riviera.
Le jeu étant interdit en France comme en Italie, la principauté de Monaco est l’unique endroit où peut être implantée une grande station. Vers 1856, le prince Charles III de Monaco, souverain sans ressources, essaie de s’inspirer des villes germaniques qui prospèrent grâce aux maisons de jeux.
Mais, après quelques tentatives infructueuses, il se tourne vers l’homme qui accumule les succès, François Blanc. Pour la somme de 1,7 millions franc et une somme annuelle de 50 000 francs plus 10 % des bénéfices nets, François obtient pour 50 ans la concession de jeux et signe l’accord le 31 mars 1860.
François Blanc prend la tête de la Société des bains de mer et du Cercle des étrangers. Il procède à Monaco comme à Homburg en jouant la carte du luxe, tout en passant à un niveau supérieur. Il investit le territoire d’une colline isolée qui à l’époque n’est qu’un hameau, et ne tarde pas à mettre en chantier, sur ses deniers personnels, de nombreuses constructions : siège du Casino de Monte-Carlo primitif et aménagement des jardins, des voies d’accès et de tout un ensemble de bâtiments destinés aux joueurs.
Le premier casino est achevé en juillet 1866. Charles III de Monaco rebaptise alors la colline en Monte-Carlo (« mont Charles ») en son propre hommage. Ensuite, suit le prolongement de la ligne de chemin de fer Paris-Nice et des établissements très luxueux tels que l’Hôtel de Paris – à l’époque sans rival en matière de luxe et de confort – et le Café de Paris. La première année, les bénéfices se montent à 800 000 francs et à deux millions trois ans plus tard.
Les affaires prospèrent tellement bien que le prince Charles III abandonne toute levée d’impôts sur la principauté. Malgré le conflit franco-prussien de 1870, les jeux continuent dans la toute jeune Allemagne jusqu’au 31 décembre 1872, quand le chancelier Bismarck fait fermer toutes les maisons de jeux. Le Casino de Monte-Carlo jouit alors d’un confortable monopole en Europe, jusqu’en 1907 lors de la réouverture des casinos français.
François Blanc règne en maître, pendant plus de 30 ans, à Monte-Carlo. En 1870, les bénéfices se montent à 5 millions de francs. Ceci lui permet de participer au remboursement des dommages de guerre versés à l’Allemagne. Puis, il contribue au bouclage financier de la deuxième tranche de travaux du nouvel Opéra Garnier, à Paris, inauguré en 1875. Souffrant de problèmes respiratoires, François Blanc meurt le 27 juillet 1877, à Loèche-les-Bains (Suisse), où il vient se faire soigner.
Sources : -. Date de création : 2008-05-11.