REYNAUD Jean Ernest (1806-1863)
France

Jean Ernest Reynaud nait à Lyon (Rhône), le 4 février 1806. C’est le frère de Léonce Reynaud, inspecteur général des Ponts et Chaussées, directeur des phares, et du contre-amiral Reynaud. Leur tuteur est Merlin de Thionville, le défenseur de Mayence.

Jean Ernest va au collège avec ses frères, d’abord à Metz, puis à Paris. De 1823 à 1825, Mme Reynaud a la joie de voir deux de ses fils entrer à l’Ecole polytechnique et le troisième à l’Ecole de Marine. Jean Reynaud sort parmi les premiers, en 1827, de l’école Polytechnique pour entrer à l’Ecole des Mines.

C’est là qu’il se lie d’une étroite amitié avec Le Play. Ensemble, ils parcourent à pied, de mai à novembre 1829, le Hartz, la Forêt-Noire, la plaine saxonne, le Hanovre, l’Oldenbourg, la Westphalie, la Belgique et les Pays-Bas et font 6800 km en deux cents jours !

En 1830, on l’envoie comme ingénieur en Corse. Pour rejoindre son poste, il fait route avec son camarade de promotion, La Moricière, qui part comme lieutenant pour l’Algérie.

La Révolution de 1830 qui éclate a un effet sur Jules Reynaud.

« J’ai besoin d’agir, écrit-il, je sens quelque chose qui me pousse !… Adieu à mon île ! Métier de Robinson n’est pas métier de ce temps ; il s’agit de la vie et de la mort des nations. Honte à celui qui se sent du courage à l’âme et qui consent à s’isoler ! Pour moi, je crois que j’en mourrais ! »

Il revient à Paris et demande un congé illimité, qui n’est qu’une démission déguisée. Avec son amour exalté pour l’humanité, il devient saint-simonien, comme Hippolyte Carnot et Charton, ses amis. Il devient même un des favoris d’Enfantin, qui apprécie la puissance de son esprit et son ascendant moral.

Mais, comme Carnot et Charton, il se sépare au moment où l’Ecole devient une Eglise, après une séance dramatique à la salle Taitbout, où il dénonce avec une âpre éloquence les étranges aberrations du «Père».

La Révolution de 1848 éclate et ses amis arrivent au pouvoir. Hippolyte Carnot, ministre de l’Instruction publique, lui offre le sous-secrétariat d’état de son ministère et offre à Charton le secrétariat général.

Ils acceptent l’un et l’autre et collaborent avec Carnot aux mesures pour démocratiser l’instruction publique. Président de la Commission des hautes études scientifiques et littéraires, Jean Reynaud y étudie l’organisation d’une école d’Administration,

«destinée au recrutement des diverses branches d’administration dépourvues jusqu’alors d’écoles préparatoires, sur des bases analogues à celles de l’École Polytechnique ».

Un décret du 8 mars 1848 la crée.

On installe la nouvelle école, près du lycée Louis-le-Grand, et on emprunte les professeurs du Collège de France.

« Les programmes, dit Carnot, étaient rédigés par Jean Reynaud, ce grand esprit, ce grand caractère, un homme dont la fin prématurée est un malheur pour la France. Je n’hésite pas à m’exprimer ainsi, sûr d’être approuvé par tous ceux qui l’ont connu. »

Les examens d’entrée dépassent toutes les espérances : 900 candidats se font inscrire pour 150 places et le concours est des plus brillants. Une seconde promotion de 100 élèves vient ensuite s’adjoindre à la première.

Mais l’élection présidentielle du 10 décembre 1848 change l’orientation du Ministère de l’Instruction publique. M. de Falloux, qui n’a pas hérité des sentiments de Carnot pour l’Ecole d’Administration, commence contre elle une campagne qui aboutit, le 9 août 1849, à sa suppression par un vote de l’Assemblée législative.

Elu représentant à l’Assemblée constituante par le département de la Moselle, celle-ci nomme Jean Reynaud conseiller d’État. Son rôle à la Chambre et au Conseil d’État est un peu effacé.

«Il se trouve, dit Jules Simon, que cet homme éloquent entre tous n’est pas maître de la tribune; il est fort pour promulguer, non pour discuter ; ce n’est pas un apôtre, c’est un prophète. »

Puis Jules Reynaud se retire et se consacre exclusivement à ses travaux de Philosophie. Dans son ouvrage, Terre et Ciel, il cherche à édifier une religion scientifique et à réconcilier la raison avec la foi.

En 1863, à 57 ans, la maladie le terrasse. Il supporte d’horribles souffrances avec une stoïque sérénité. Une nuit, la sœur de charité qui le veille s’approche de son chevet et lui dit :

« – Monsieur, il faut vous préparer à la mort. »
« – Ma sœur », répond-il avec calme, « je m’y prépare depuis quarante ans ! »

Il meurt le 28 juin 1863.

Hommages : Sa femme institue, après sa mort, le prix Jean Reynaud, consistant en une somme annuelle de 10  000 Fr que

« chacune des cinq Académies doit, à son tour et sans pouvoir la diviser, attribuer à une œuvre originale, élevée, ayant le caractère d’invention et de nouveauté, et qui se serait produite dans une période de cinq ans…. Dans le cas où aucun ouvrage ne paraîtrait la mériter entièrement, la valeur serait décernée à quelque grande infortune scientifique, littéraire ou artistique».

Sources : Cheysson (E.) Biographie de Jean Reynaud, in Le livre du centenaire, Ecole Polytechnique, 1897, Gauthier-Villars et fils, tome III, pp 466 à 477. Date de création : 2009-01-02.

Monument

Pour honorer la mémoire de son mari, Mme Reynaud lui fait élever, par l’architecte Louis Renaud et par l’entrepreneur Lanchon, un monument qui est un chef-d’œuvre.

La sépulture est ornée d’un haut-relief représentant Le Génie de l’Immortalité, signée par Henri Chapu, et d’un médaillon en bronze, signé par Pierre Jean David d’Angers, 1838, au-dessus d’une branche de chêne, en bas-relief, dans le marbre du monument.

Le Génie de l’Immortalité figure aussi sur la sépulture d’Henri Chapu, au cimetière de Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne).

Inscriptions : IMMORTALITE

Transitoriis quaere aeterna
(Latin : Chercher l’éternel dans les choses transitoires)

Jean Ernest REYNAUD, né le 14 février 1806, mort le 28 juin 1863.
Léonie Jean REYNAUD, sa femme, 1814-1903.

Quae sursum sunt quaerite, quae sursum sunt sapite.
(Latin : Chercher ce qui est au-dessus, ce qui est au-dessus de l’esprit)

Photos


Date de la dernière mise à jour : 31 octobre 2022