LEMERCIER Louis Jean Népomucène (1771-1840)
France

Louis Jean Népomucène Lemercier voit le jour le 21 avril 1771, à Paris. Son père est secrétaire des commandements après avoir été intendant du comte de Toulouse et du duc de Penthièvre. Il a pour marraine la princesse de Lamballe et Marie-Antoinette le protège, à ses débuts. Celle ci ordonne, alors qu’il n’a que 17 ans, de créer sa tragédie de Méléagre. La pièce n’a toutefois qu’une seule représentation, bien que, jouée en présence de la reine, de la princesse et de toute la cour, elle ait été applaudie triomphalement.

Mais le jeune homme déclare aux comédiens le lendemain matin :

« Messieurs, mon succès d’hier m’a beaucoup touché, mais ne m’a pas fait illusion. Ma pièce est une œuvre d’enfant, c’est un enfant que le public a applaudi pour l’encourager; je n’ai qu’une manière de me montrer digne de son indulgence, c’est de ne pas en abuser. De telles bontés ne se renouvellent pas. Je retire mon ouvrage, et je tâcherai que ma seconde tragédie soit plus digne de vos talents. »

Un accident survenu dans l’enfance le laissa en partie paralysé durant le restant de ses jours.

Extrait (de Jean-François Ducis) :

« Au sortir de l’enfance, pour guérir son jeune corps dont la moitié a été frappée de paralysie, il a passé par toutes les tortures, et il a monté de supplice en supplice dans la sphère supérieure qu’il habite. Il tient dans sa main les rênes de ce corps, il en conduit avec sagesse et fermeté la partie vivante et la partie morte. Dans la partie vivante existe son âme, avec des redoublements d’esprit, une étendue de vues, une audace de conception, qui en font pour moi un phénomène charmant, tandis que la partie morte en fait pour moi un martyr qui m’attendrit, un héros de la douleur qui m’étonne, et c’est tout cela qui m’explique les grandes passions qu’il a inspirées et ressenties, car les femmes ont des yeux pour comprendre et adorer ces prodiges. »

Il donne ensuite, en 1792, un drame en vers, Clarisse Harlow», inspiré du roman de Samuel Richardson. Celui ci fait dire que l’auteur n’est « pas assez roué pour peindre les roueries ». Partisan de la Révolution mais ennemi de ses excès, il les dénonce en 1795 dans Le Tartufe révolutionnaire. Celui ci, rempli d’allusions politiques audacieuses, ne tient pas après la cinquième représentation.

Puis il donne en 1796 une tragédie, Le Lévite d’Éphraï». L’année suivante, il fait jouer Agamemno» qui remporte un grand succès et lui apporte la célébrité. On crie au génie et on se dispute dès lors Lemercier dans les salons du Directoire – chez Mme Tallien, Mme Pourrat ou Mme de Staël – où c’est, selon Talleyrand,  «l’homme de France qui cause le mieux ».

C’est à cette époque qu’il accepte, par défi, de traduire en vers, sans choquer la bienséance, les œuvres licencieuses du cabinet de Naples. Il compose Les Quatre Métamorphoses (1798), c’est-à-dire celles, sous l’effet de la passion amoureuse, de Diane en chèvre, de Jupiter en aigle, de Vulcain en tigre et de Bacchus en vigne. Il compose également un drame historique en prose, Pinto, ou la Journée d’une conspiration (1800) qui met en scène la révolution qui porte le duc de Bragance sur le trône du Portugal.

Ce drame annonce le drame romantique. Charles Labitte observe :

« De cette œuvre aurait daté la rénovation de la scène française, s’il n’ait été coupé court aux hardiesses par la régularité de l’Empire. »

Lemercier est d’abord lié avec Bonaparte. Il fréquente son salon dès son mariage avec Joséphine. Sa tragédie Ophis, sur un sujet égyptien, est représentée le jour où on apprend à Paris les succès militaires de l’expédition d’Égypte. On applaudit vivement plusieurs passages en l’honneur du héros du jour.

Après le 18 Brumaire, Lemercier est l’hôte régulier de la Malmaison. Mais sa franchise commence à indisposer le Premier Consul, qui l’appelle « mon petit romain ». Il lui prédit que, s’il rétablit la monarchie, il ne règnera pas dix ans. Dès lors, en butte à la censure impériale, il évite tout contact autre que purement protocolaire avec Napoléon. Il ne parait aux Tuileries qu’aux réceptions solennelles de l’Académie Française qui l’a élu en 1810.

Il réduit fortement son activité littéraire. À l’empereur qui lui demande un jour : « Et vous, Lemercier, quand nous donnerez-vous quelque chose ? », il ose répondre : « Sire, j’attends ! » Néanmoins, à la chute de l’Empire, son inspiration s’est tarie. S’il publie en 1819 son œuvre la plus connue, La Panhypocrisiade ou la comédie infernale du XVIe siècle, le texte en a été presque complètement terminé sous le Consulat.

C’est un ouvrage étrange, déjà nettement romantique, « une sorte de chimère littéraire » dit Victor Hugo « une espèce de monstre à trois têtes, qui chante, qui rit et qui aboie.» La critique n’est pas tendre pour cette œuvre étonnante.

Extrait (de Charles Nodier dans «Le Journal des Débats») :

« Il y a dans cette œuvre »tout ce qu’il fallait de ridicule pour gâter toutes les épopées de tous les siècles, et, à côté de cela, tout ce qu’il fallait d’inspiration pour fonder une grande réputation littéraire. Ce chaos monstrueux de vers étonnés de se rencontrer ensemble rappelle de temps en temps ce que le goût a de plus pur. C’est quelquefois Rabelais, Aristophane, Lucien, Milton, à travers le fatras d’un parodiste de Chapelain. »

Le poème fait surtout penser aux Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, dont il retrouve les accents d’indignation et la poésie étrange. L’essor du mouvement romantique fait apparaître Lemercier décalé et démodé. Ses ouvrages n’ont plus guère de succès. Seule exception, sa tragédie Frédégonde et Brunehaut (1821), qui d’ailleurs ne reste pas longtemps à l’affiche.

Oubliant que lui-même, en avance sur son temps, a été traité de fou sous l’Empire, il vitupère les Romantiques. Lorsqu’on lui dit qu’ils étaient ses enfants, il dit : « Oui, des enfants trouvés ! » et, à l’Académie, il refuse obstinément son suffrage à Victor Hugo, qui finit pourtant par lui succéder. Népomucène Lemercier s’éteint à Paris le 7 juin 1840.

Sources : -. Date de création : 2009-07-06.

Photos

Monument

La concession à perpétuité est entretenue gratuitement par la ville de Paris. Lemercier repose dans un tombeau orné d’un médaillon en marbre, daté de 1840, œuvre de Pierre Jean David d’Angers.

Inscriptions :
Louis Jean Népomucène LEMERCIER membre de l’Institut. Né à Paris le 29 avril 1771. Décédé le 7 juin 1840.
Il fut homme de bien et cultiva les lettres.

(Liste de ses œuvres principales)

Ophis                      Pinto
Clovis                      Plaute
Charles VI    …
Frédégonde           Le corrupteur
Agamemnon         Christophe Colomb

Les âges français
L’Atlantiade
Alexandre
Homère
Moïse

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Date de la dernière mise à jour : 31 mars 2022