CULLERIER Michel (1758-1827)
France

gravure par Garnier

Michel Cullerier voit le jour à Angers (Maine-et-Loire), le 8 juin 1758. Né de parents peu aisés, il passe, sous l’influence de son frère ecclésiastique, du collège de Château-Gontier au séminaire d’Angers. Mais élève très doué pour les études et pris d’un vif intérêt pour la médecine, il entrevoit bientôt un autre avenir. On l’accepte à Nantes (Loire-Atlantique) où il apprend les premiers rudiments. Puis il arrive à Paris dès 1783 pour étudier la chirurgie qui le passionne, auprès de maîtres tels Desault, Sabatier et surtout Pelletan auquel il restera attaché.

Il mène alors une existence laborieuse, partagé entre ses études et des cours de répétition aux élèves. Après l’obtention de son diplôme, il envisage de revenir vers les siens. Mais de brillants succès lors de concours pour les prix de l’école pratique et du collège de chirurgie l’incitent à rester dans la capitale. Un dernier concours lui gagne un titre de maîtrise de chirurgie. Ainsi, en 1787 il devient, à Bicêtre, chirurgien principal de l’Hôpital général.

À la veille de la Révolution, le château de Bicêtre est un ensemble de bâtiments qui compte une prison, où on retient le rebut de la société. C’est un asile où on enchaîne les fous, un hospice qui entasse toute la misère humaine. C’est aussi une infirmerie qu’on appelle pudiquement l’ « hôpital spécial ». Là, on a transféré les femmes atteintes de maladies vénériennes qui encombraient l’hôpital de la Salpêtrière, en 1690.

On y envoie régulièrement celles dont la santé est alarmante et qu’on ne peut plus garder en prison. Cette sorte de cloaque sans le moindre entretien sanitaire depuis un siècle va encourager Cullerier qui y voit un vaste champ d’observations et une occasion de secourir une population délaissée et méprisée. Dans un premier mémoire qui est publié, le chirurgien fait l’inventaire effrayant de l’infirmerie et donne l’état précis du désastre.

Il multiplie vainement les mémoires pour alerter sur la situation, jusqu’à la nomination de M. Desyeux comme administrateur, en qui il trouve quelqu’un capable de comprendre ses projets. On nettoie, assainit et agrandit l’établissement. Malgré tous ces efforts, l’hôpital est vétuste et difficile à entretenir. A la suite de la visite d’une commission de l’Assemblée constituante, il est décrété que le couvent des Capucins, sis dans la rue du Faubourg-Saint-Jacques et qui vient d’être réquisitionné, sera le nouvel établissement réservé aux malades vénériens.

Michel Cullerier prend la direction, le 12 mars 1792, de ce bâtiment enfin fonctionnel. Celui ci est connu comme l’Hôpital du Midi, ou Hôpital des Vénériens. Il y exerce pendant trente-quatre ans. Le chirurgien soigne sans discrimination, avec objectivité, dévouement et humanité ces personnes déshéritées. Il replace chaque affectation dans son cadre nosologique par une analyse minutieuse des symptômes. Il rationalise la médication et affine la thérapeutique qui, avant lui, côtoyaient trop souvent le charlatanisme et ressemblaient à un supplice.

Michel Cullerier étudie les mécanismes de l’évolution et de la transmission de ces maladies contagieuses. Il travaille notamment sur la transmission de la mère au nourrisson qu’il traite simultanément. Ses investigations vont du bubon aux ramifications cervicales. Il manie aussi bien le trépan que le scalpel. C’est d’ailleurs en incisant un bubon d’où sort un jet purulent qu’il perd la vision d’un œil. Non seulement Cullerier soigne davantage de patients mais il divise leur mortalité par dix.

Son travail est à contre-courant et il doit affronter des ennemis qui contestent ses méthodes. Ceux ci le dénoncent même au Conseil des hôpitaux. La tourmente de 1815 amène, avec les armées étrangères qui envahissent le sol national, la recrudescence et la propagation de la syphilis. Heureusement, le travail intense de Cullerier a déjà changé le regard sur ces maladies.

Ses contributions au Dictionnaire des Sciences médicales lui valent d’entrer à l’Académie royale de Médecine. Il devient président de la section de chirurgie.. Hormis des mémoires, il n’a pas le loisir d’écrire d’ouvrages sur ses travaux. Il préfère toujours l’enseignement clinique et ouvrir son hôpital aux élèves et auditeurs. Il est le pionnier dans sa spécialité et la croisade qu’il mène pour humaniser le traitement des malades vénériens est semblable à celle que mène à la même époque Pinel pour le traitement des fous.

C’est son neveu, François, qui épouse une de ses filles et lui succède, qui poursuit son œuvre. Michel Cullerier, honoré et estimé de son vivant, sera, comme Pinel, son homologue aliéniste, bien oublié par la postérité. C’est néanmoins lui qui supervise avec son ami chirurgien Louis les premiers essais de la guillotine qui ont lieu à Bicêtre, le 17 avril 1792, sur des cadavres qu’il a fournis.

Atteint d’un cancer de l’estomac, il meurt à l’âge de soixante-neuf ans, le 3 janvier 1827, à Paris. Il repose avec son oncle et beau-père, François Guillaume Aimé Cullerier (1782-1841), médecin lui aussi.

Sources : Husson (Armand) Études sur les hôpitaux, éditions P. Dupont, 1862 ; Parent-Duchâtelet, Trébuchet, Poirat-Duval De la prostitution dans la ville de Paris, 1857 ; Parent-Duchâtelet, Corbin La prostitution à Paris au XIXe siècle, réédité Seuil (1981) ; Duckett (William) Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Lévy, 1854, t. 7. Date de création : 2011-01-04.

Monument

Inscriptions :

Michel CULLERIER ,docteur et professeur, en chirurgie, né à Angers le 8 juin 1758, décédé à Paris, le 3 janvier 1827. Son nom rappelle ses vertus.
M.A.A. DELORME, veuve, Michel CULLERIER, décédée à Paris, le 11 juillet 1851, à l’âge de 73 ans.

Photos


Date de la dernière mise à jour : 17 août 2023