WERTH Léon (1878-1955)
France

Léon Werth, voit le jour à Remiremont (Vosges), le 17 février 1878, dans une famille juive. Son père, Albert, est drapier et sa mère, Sophie, est la sœur du philosophe Frédéric Rauh. C’est un élève brillant, grand prix de philosophie au concours général et étudiant en hypokhâgne au lycée Henri-IV. Il abandonne néanmoins ses études pour être chroniqueur dans différentes revues. Menant la vie de bohème, il se consacre à l’écriture et à la critique d’art.

Très proche d’Octave Mirbeau, l’auteur du Journal d’une femme de chambre, dont il est en quelque sorte l’héritier, il se manifeste par son anticléricalisme, son esprit très indépendant, antibourgeois et libertaire. Il manque de peu le prix Goncourt en 1913 pour son roman « La Maison blanche », qu’Octave Mirbeau (alors membre du jury) a préfacé et soutient avec un vif enthousiasme contre l’autre favori, Alain-Fournier pour « Le Grand Meaulnes », jusqu’à ce qu’après plusieurs heures le prix aille finalement au onzième tour à Marc Elder pour « Le Peuple de la mer ».

En 1914, il part pour le front, où il combat pendant 15 mois avant d’être blessé. Il reste marqué par cette guerre, devenant un pacifiste convaincu. Il en tire un récit, « Clavel Soldat », pessimiste et violemment anti-guerre. Paru en 1919, l’ouvrage fait scandale. Écrivain inclassable, à la plume acide, il écrit dans les années de l’entre-deux guerres aussi bien contre le colonialisme (« Cochinchine », en 1926), à contre-courant de la mode coloniale de cette période faste de l’empire français, que contre le stalinisme dont cet homme de gauche dénonce l’imposture. Il critique aussi le nazisme montant.

En 1931, il rencontre Saint-Exupéry : c’est le début d’une grande amitié. Ce dernier lui dédicacera Le Petit Prince, dédicace où il le qualifie de « meilleur ami que j’ai au monde ». Dans sa carrière littéraire, familier de Pierre Bonnard, Francis Jourdain, et Paul Signac, il est aussi l’auteur ou le co-auteur de plusieurs monographies d’artistes, tels que Cézanne, Puvis de Chavannes, Henri Matisse, Claude Monet, Maurice de Vlaminck, etc.

Pendant l’Occupation, il se replie dans le Jura. Dans son journal « Déposition », publié en 1946, il livre un témoignage accablant sur la France de Vichy. Il devint gaulliste sous l’occupation et après la guerre il participa à « Liberté de l’Esprit », revue des intellectuels du Rassemblement du Peuple Français dirigée par Claude Mauriac. Léon Werth décède le 13 décembre 1955, à Paris. Ses archives (correspondance, etc…) sont conservées au Centre de la Mémoire de la médiathèque Albert Camus d’Issoudun.

Extrait (de « Déposition/Journal », avril 1942) :

« Il me revient sur Pétain une anecdote, qui, si je m’en étais souvenu plus tôt, m’eût épargné beaucoup d’inutile psychologie. Peu d’années après la guerre de 14, le sculpteur Brasseur a eu la commande d’un monument commémoratif pour je ne sais quelle ville du Nord. On en montra la maquette à Pétain : un groupe de soldats et un officier. « C’est beau, dit-il, mais il faut faire l’officier plus grand que les hommes. »»

Extrait (de « Cochinchine », 1926) :

« C’est que tous, du gouverneur au gendarme, ayant connu en Europe la contrainte sociale ou la discipline, sont devenus en Asie des potentats. Voici, privés de contrainte extérieure, des hommes qui n’en connaissent point d’autre. Ils sont aussi les victimes d’un formidable décalage social. Ils subissent l’ivresse du nouveau riche à un degré qui n’est point imaginable en Europe. Car ils n’ont pas seulement cette puissance que donne l’argent. Ils ont la puissance. La couleur de leur peau et la saillie de leur nez leur confèrent une immédiate royauté. […] Leur grossièreté est intolérable.

J’ai souvent envie de leur dire : « Tuez… ayez le courage de tuer. Tuez des Annamites. Vous manifesterez ainsi que la vie d’un Annamite ne vaut pas celle d’un chien. On saura la pensée qui est au fond de vous. Mais votre grossièreté je ne puis la souffrir. Elle me fait honte. […] Il me suffit pour l’instant que vous m’accordiez qu’un Annamite vaut un chien. ».»

Dédicace du Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry :

« À Léon Werth. Je demande pardon aux enfants d’avoir dédié ce livre à une grande personne. J’ai une excuse sérieuse : cette grande personne est le meilleur ami que j’ai au monde. J’ai une autre excuse : cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. J’ai une troisième excuse : cette grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a besoin d’être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en souviennent.) Je corrige donc ma dédicace : À Léon Werth quand il est petit garçon ».

Œuvres :

  • La Maison blanche (1913) ;
  • Clavel Soldat (1919) ;
  • Clavel chez les Majors (1919) ;
  • Yvonne et Pijallet (1920) ;
  • Voyage avec ma pipe (1920) ;
  • Le Monde et la ville (1922) ;
  • Les Amants invisibles (1921) ;
  • Dix-neuf ans (1922) ;
  • Pijallet danse (1924) ;
  • Danse, danseurs, dancings (1925) ;
  • Cochinchine (1926) ;
  • Ghislaine (1926) ;
  • Marthe et le perroquet (1926) ;
  • Une soirée à l’Olympia (1927) ;
  • Cours d’assises (1932) ;
  • Déposition, Journal 1940-1944 (1947) ;
  • 33 jours (1992, écrit en juin 1940) ;
  • Casée 1900 (1993, écrit en 1951) ;
  • Impressions d’audience : le procès de Pétain (1995, écrit en 1945) ;
  • Fragments, extraits de correspondances avec Joseph Bertrand, Saint-Exupéry – Tel que je l’ai connu (1948) ;
  • Claude Monet (1928).

Sources : -. Date de création : 2015-12-13.

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Date de la dernière mise à jour : 18 août 2023