Né à Fréjus le 17 novembre 1772, Marc Antoine Madeleine Désaugiers est le fils du compositeur Marc-Antoine Désaugiers. Il est encore très jeune lorsque le peuple s’empare de la Bastille, pourtant sa véhémente hostilité au changement de régime le contraint à l’exil. D’abord à Saint-Domingue où il fait face aux horreurs d’une autre insurrection, celle des esclaves, il arrive enfin aux Etats-Unis.
C’est une France pacifiée qu’il retrouve avec plaisir en 1797. Il parvient à faire avantageusement connaître la finesse de sa verve jusque dans les faubourgs de la capitale. Ses vaudevilles connaissent un succès grandissant et sont joués à l’Odéon, à la Comédie Française et au Théâtre des Variétés.
Ses chansons sont fredonnées dans les salons du Directoire et du Consulat. Il les interprète lui-même dans les banquets réunissant la plus insigne société. Un de ses airs les plus connus est «Bon voyage monsieur Dumollet», devenu comptine pour enfants… En 1802, Desaugiers reproduit avec un vérisme saisissant un Tableau de Paris à cinq heures du matin sur l’air de «La Rosière», une contredanse du XVIIIème siècle.
Durant la même année, il compose une variante crépusculaire à ce premier jet, qu’il intitule naturellement «Tableau de Paris à cinq heures du soir». Il est patent qu’en 1967, Jacques Lanzmann s’est fortement inspiré du premier tableau de Desaugiers pour le texte de la chanson « Il est cinq heures Paris s’éveille« , immortalisée par la musique de Jacques Dutronc et Anne Segalen. «Ah ! Quelle cohue ! Ma tête est perdue ; Moulue et fendue ; Où donc me cacher ? Jamais mon oreille, N’eut frayeur pareille. Tout Paris s’éveille. Allons-nous coucher.»
Le succès des chansons de Desaugiers n’est pas étranger à l’éclosion des sociétés de chant à travers le pays. En 1806, il préside le Caveau moderne reconstitué un an plus tôt par Gauffé et Capelle. Il y accueille, par une ruse astucieuse, celui qui devient son complice et son plus sérieux rival : Pierre Jean de Béranger, qui lui subtilise le sceptre d’or en 1813. En 1816, son élection par Louis XVIII à la direction du Théâtre du Vaudeville sonne le glas de son amitié avec Béranger.
Administrateur scrupuleux et auteur prolifique, ses proches n’hésitent pas à incriminer un rythme de travail beaucoup trop élevé face au déclin précoce de sa juvénile robustesse. Lorsqu’il meurt, le 9 août 1827, Charles Nodier propose de graver sur le tombeau : « A Desaugiers, qui n’eut pas d’ennemis« . On se contente finalement de parapher son patronyme avec « Ses amis » tant il est vrai que la gaieté de son caractère et sa bonté authentique ont rallié un vaste attroupement d’acolytes autour de lui.
Il n’est pas un seul grief connu qui ne soit versifié avec son nom. Ses allègres boutades, alliées à sa gloutonnerie épanouie que n’interrompt que quelques envolées paillardes et galantes, lui valent finalement le surnom flatteur d’Anacréon français.
Pour écouter Bon voyage Monsieur Dumollet, de Désaugiers
Sources : -. Date de création : 2006-04-11