Lucas Mebrouk, dit Dolega, voit le jour en 1978. Adolescent, il partage sa vie entre l’Allemagne maternelle, le Maroc paternel et la France. Il parle et écrit plusieurs langues, n’aime pas trop l’autorité et la discipline scolaire trop rigide à son goût. Il cherche sa voie. En 1998, alors en fac de lettres, il pense s’orienter vers le journalisme et découvre la photographie.
C’est avec le vieux Voigtlander de sa mère qu’il réalise ses premiers clichés. Et c’est comme un déclic, à partir de là il sait ce qu’il sera : un reporter, reporter photographe. En stage au Département de Photographie du Centre Jean Verdier à Paris, il s’exerce. Il apprend la couleur, le noir et blanc, le développement et le tirage dans l’obscurité des labos.
Il a le sens de l’observation et un goût sûr, en somme, il a un œil. C’est sans doute l’héritage de son père qui a fait beaucoup de photos dans sa jeunesse. Lucas se rêve en Don Mc Cullin ou James Nachtwey, photographes qu’il admire. Dans des pays lointains, lors de conflits, il veut raconter l’humain, un boitier en bandoulière.
« Plus tard, il sera l’œil qui surveille le monde. Il ira regarder les hommes jusqu’au fond de leur nuit. »
Cette phrase tirée du livre préféré de son adolescence, « Les aventures de Boro, reporter photographe », il en fera son leitmotiv. Entre rêve et réalité, le parcours est long, difficile.
En 1999, il devient l’assistant d’un grand reporter, un premier pied dans le monde des «pros», puis il étudie le journalisme au CFPJ et, par la suite, intègre le Nouvel Observateur, mais à son grand dam, en tant que rédacteur. Très vite il propose des sujets texte et photos à sa rédaction, pour finir par ne plus lui fournir que des photographies.
En 2002, il réalise son rêve et part photographier en Israël et Palestine. Parallèlement, il voyage aux Etats-Unis, en Europe et en Afrique du Nord, se penchant sur des histoires à caractère social. Ici il documente la vie des enfants des rues, là l’immigration clandestine, enfin la séropositivité.
Il est là pour donner une voix à ceux qui n’en ont plus. Cheveux au vent, son brun regard derrière l’objectif, Lucas, par sa photographie, donne avant tout de l’amour. Et il en reçoit en retour.
En 2006, il fouille l’histoire de ses ancêtres polonais et découvre qu’au 14ème siècle, ses aïeux se faisaient appeler Dolega. Séduit par le patronyme, il en fait sa signature. Lucas pour le prénom, Mebrouk von Zabiensky pour le nom, Dolega pour la signature.
La même année, il intègre les agences EPA et EFE. Il suit l’actualité, avec toujours ce sourire éclatant aux lèvres. Avenant, ses collègues l’apprécient énormément. A la cour de l’Elysée, il préfère les nuits d’affrontements du CPE ; aux rencontres diplomatiques du Quai d’Orsay, il préfère la couverture des émeutes du sommet de l’Otan à Strasbourg.
La passion des débuts pour l’aventure, les limites sans cesse repoussées et le goût du danger se sont rapidement mués en combat. Un combat permanent. Il veut immortaliser les conflits. Il doit raconter. En 2008, il est au Nord Kivu, province du Congo ravagée par une guerre civile et une épidémie de choléra. Puis c’est à Bangkok que sa passion l’amène, en 2010, pour la rébellion des chemises rouges.
En janvier 2011, il s’envole pour la Tunisie, où le président Ben Ali vit ses dernières heures de dictateur. Le 17 janvier 2011, lors des émeutes dans les rues de Tunis, il est tué d’un tir de grenade qui l’atteint à la tête. C’est ce qu’on appellera quelques jours plus tard la Révolution du Jasmin. Il a 32 ans.
Pour découvrir le site qui lui est consacré
Hommages : La ville de Paris et la SAIF créent, en 2001, un prix annuel à son nom pour récompenser un photo-journaliste qui a mis sa vie en danger dans son métier.
Sources : -. Date de création : 2020-12-25.